The Best English et Notre Français – Une réponse à une charmante immigrante

Récemment, j’ai croisé une étudiante d’origine congolaise à mon école. Cette dernière a affirmé que l’anglais britannique était « le meilleur anglais ». Elle a également, presque du même souffle, critiqué la qualité du français au Canada. J’avoue que ces énoncés m’ont beaucoup surpris. La notion qu’un dialecte peut être supérieur à un autre me semble être très subjective. Avouons que certains dialectes sont prisés alors que d’autres sont presque méprisés, mais je suis de l’avis que chaque pays doit avoir son propre dialecte et que c’est justement cette variété qui devrait être mise en valeur sur son propre territoire sinon, on tombe dans un colonialisme linguistique. Toutefois, si une langue n’est qu’un code linguistique partagé parmi un groupe de locuteurs, la vraie valeur d’une langue est dans sa capacité de bien transmettre les messages et la culture des locuteurs, et non pas dans son côté esthétique.

D’emblée, il faudrait examiner pourquoi un dialecte est valorisé alors que d’autres sont déplorés. Le succès d’un dialecte parmi tant d’autres n’a rien à avoir avec la soi-disant qualité de la langue. Pour qu’un dialecte devienne la norme ou même populaire il faut que ce dialecte ait une importance socio-économique. Dans le cas du français, la variété parisienne a eu l’avantage d’être la norme dans une ville qui est devenue le centre de commerce, de gouvernement et de puissance militaire. Ainsi, des gens qui voulaient faire affaire à Paris devaient comprendre ce dialecte et le dialecte a pu se répandre aux régions. À travers les siècles, le dialecte de Paris a pu s’imposer comme la norme en France. Non pas en raison d’une supériorité quelconque, mais en raison de son pouvoir socio-économique, politique et militaire. Avec la création de l’Académie française, les élites ont pu enlever des mains du peuple le pouvoir d’élaborer et de codifier le bon usage. Évidemment, cela a donné des résultats mitigés, car l’Académie est toujours en arrière quant à l’usage réel de la langue et le peuple décide comment il va parler.

Par contre, en Angleterre, il y a plein de dialectes, tant basés sur la géographie et les substrats linguistiques que sur les classes sociales. L’absence d’académie linguistique fait en sorte que l’autorité ultime de la langue repose chez ses locuteurs. De plus est, sans le souci de « la pureté de la langue », l’anglais a pu devenir une langue riche et dynamique. À la différence du français, l’anglais emprunte de toutes les langues avec impunité, voire même avec enthousiasme. Ainsi, pour l’anglais, l’autorité linguistique se trouve presque exclusivement chez ses locuteurs. Par conséquent, des lexicographes américains ont élaboré des formes, styles et usages qui ne sont pas la norme ailleurs, mais qui sont bon aloi sur le sol américain.

Au Canada, le français et l’anglais se sont adaptés au pays. L’anglais canadien est un hybride entre l’anglais britannique et l’anglais américain. Tout comme l’anglais, le français du Canada reflète bien son histoire, sa géographie et ses institutions. Sur le plan phonétique et sémantique, le français du Canada conserve des archaïsmes qui sont aujourd’hui disparus du français standard, mais qui autrefois étaient courants en France. Par exemple, la prononciation « moé » et « toé » dans des contextes familiers donnée aux mots moi et toi, n’est pas une déformation ni évidence d’une paresse linguistique. Il s’agit plutôt de la vieille prononciation utilisée par les aristocrates français avant la Révolution française. En France, quand ils se sont débarrassés de la monarchie, ils se sont également débarrassés de la prononciation des aristocrates en la remplaçant par celle des citoyens communs. Cependant, le Canada n’était plus une colonie française à cette époque et les Canadiens ont donc continuer à parler comme la noblesse française d’antan. Des archaïsmes de sens existent aussi. Lorsque l’on dit « espère donc une minute », le verbe espérer garde son sens original d’attendre comme le verbe espagnol esperar.

Notre langue est tissée de notre histoire. L’importance des voies maritimes comme les routes principales de la Nouvelle-France et de l’Acadie nous a transmis l’emploi d’embarquer et débarquer quand nous montons et descendons de nos voitures. Le contact avec les peuples autochtones nous a également donné des mots pour décrire la flore, la faune et la géographie. Les Français peuvent bien parler de l’élan d’Amérique ou des canneberges, mais les Autochtones nous ont appris à les appeler orignal et atocas. Les Canadiens devraient être fiers de parler le français de leur propre façon. L’accent, les mots et tournures de phrases qui sont les nôtres témoignent à notre histoire. Ils révèlent notre lien avec la France prérévolutionnaire, nos relations avec les peuples autochtones, et notre ténacité de demeurer francophones au sein d’un continent largement anglophone et hispanophone.

Les Italiens ont un dicton : paese que vai, usanze che trovi – À Rome, fait comme les Romains. Alors, au Canada il faudrait parler comme les Canadiens.

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